Dans le contexte du développement économique d'après-guerre lié à la reconstruction, la main-d'oeuvre étrangère est accueillie à bras ouverts en France. Il y a du travail pour tous mais, malheureusement, pas de logements pour tous.
Nombre d'immigrés s'installent donc, provisoirement pensent-ils, dans des baraques, à côté des grands chantiers.
Pas d'eau courante, pas d'électricité, des murs et des toits précaires de tôle et de bois, c'est bien ce que l'on appelle un bidonville.
On recense alors pas loin de 200 "îlots insalubres", grands et petits, autour de Paris.
En France, au milieu des années 60, on estime à environ 100 000 le nombre de personnes vivant dans ces bidonvilles.
Il faudra attendre 1970 pour que le gouvernement commence à prendre des mesures concrètes pour mettre en place une politique de résorption des bidonvilles et de relogement progressif des familles.
De 1950 à 1971, plusieurs milliers de personnes, pour l'essentiel venues d'Algérie et du Maroc, habitent le plus vaste et le plus insalubre des bidonvilles de Nanterre, baptisé La Folie, du nom de la gare voisine.
Un unique point d'eau pour huit à dix mille habitants...
"Pas possible, un gourbi, à Paris, comment que ça se fait ?" Pour les gens du pays, ceux qui vivent à Paris sont tous riches et vivent dans de belles maisons.
Monique Hervo, militante pour l'indépendance de l'Algérie, a vécu de 1959 à 1971 (la destruction) à La Folie, aux portes de la Défense.
Elle a pris des photos et enregistrer les témoignages des habitants du bidonville, pour ne pas qu'on oublie.
Aujourd'hui, on peut accéder à cette mémoire via un web documentaire (à regarder et à écouter) produit par Arte, sorte de fresque noir et blanc déroulant la parole de Monique et celle des immigrés. Les images reprennent des dessins de Laurent Maffre, qui s'est basé, entre autres, sur les photos et le témoignage de Monique Hervo pour réaliser une bande dessinée consacrée à ce bidonville, Demain, demain (un aperçu en ligne ici)
La BD nous fait suivre l'histoire d'une famille algérienne. Kader, le père, est déjà en France pour le travail et vit dans le bidonville de La Folie. Sa femme Soraya et leurs enfants Ali et Sami le rejoignent en 1962. Ils y resteront jusqu'en 1966, obtenant enfin un logement décent dans une cité de transit (l'étape avant le grââl du HLM), après avoir versé toutes leurs économies au contrôleur de la préfecture.
Rats, mouches en été, pluie et boue, précarité,saleté et insalubrité... Les ordures ne sont pas ramassées...
Un seul point d'eau pour dix mille personnes, où chacun vient faire la queue avec sa chariotte chargées de bidons...
Pas d'électricité, pas de fenêtres, donc pas de lumière dans les baraques, juste des bougies pour s'éclairer...
Pas de WC dignes de ce nom, mais des trous aménagés dans le sol...
Risques d'incendies et incendies...
Consolider ou réparer son abri, interdit. Les bidonvilles ne doivent surtout pas s'étendre, alors les policiers de la brigade Z, les "bleus", munis de masses, veillent, prêts à détruire l'habitation de ceux qui désobéissent.
Et si on pouvait rendre invisible toute cette saleté... Les terres de déblais des grands chantiers édifient un rempart autour du bidonville et finissent par cacher la misère...
Mépris des Français pour ces personnes que l'on prend pour des clochards, que l'on reconnaît à leurs chaussures toujours crottées, que l'on soupçonne de choisir délibérément cette vie plutôt que de d'avoir à payer un loyer...
Payer un loyer pour avoir un logement décent ? Ils ne demandaient que cela ces gens-là. Ce n'est pas faute d'avoir fait la queue à la préfecture pour remplir des dossiers et d'avoir fait des demandes en mairie. Mais toujours, il faut attendre, attendre... demain, demain...
Une seule adresse administrative pour tout le monde : 127 rue de la Garenne
Au fond à gauche, la coupole du CNIT
au fond à droite, construction de HLM
Il y a eu des bidonvilles en France, et il y en a toujours.
À moindre échelle, certes, mais il existe toujours des regroupements de caravanes ou de baraquements sur des terrains non viabilisés, aux abords des grandes villes et le long des voies de communications. C'est tout le problème du "Mal logement, bidonvilles et habitat indigne en France" (cliquez sur le lien, un rapport qui date d'il y a dix ans mais qui est toujours d'actualité)
Demain, demain, une bande-dessinée qui a le mérite de mettre en lumière un point choquant de l'Histoire de France qui demeure inconnu de la plupart des gens, moi comprise.
Demain, demain, une bande-dessinée qui a le mérite de mettre en lumière un point choquant de l'Histoire de France qui demeure inconnu de la plupart des gens, moi comprise.
Merci pour cet article. Je ne connaissais pas la BD, mais le Webdocu est sous une forme vraiment intéressante, et je trouve qu'on en parle pas beaucoup.
RépondreSupprimerUn sujet fort ! Merci encore.
Tu as raison, ce webdocu est vraiment original et tout à fait complémentaire du livre.
SupprimerEt oui aussi, on n'a pas beaucoup entendu parler de cette BD lors de sa sortie je trouve. En tous cas, je ne l'ai pas trouvée sur beaucoup de blogs.
Dommage... c'est tellement chouette quand cet art graphique sert aussi bien le devoir de mémoire.
merci beaucoup d'avoir évoqué ce sujet très fort comme le dit David, et toujours très douloureux pour ceux qui l'ont vécu.
RépondreSupprimerCe genre de témoignage permet de ne pas oublier ..
Lorsque ma mère a commencé ses études à Nanterre, elle se souvient très bien qu'il existait encore... et c'était vers 1972-1973. Terrifiant, non? et ça ne nous empêche pas de donner des leçons aux autres... je vais essayer de me procurer cette bd à la bibli!
RépondreSupprimerAh, j'avais lu que ce bidonville a été détruit en 1971. Bon, la résorption a peut-être duré de longs mois, le temps de reloger tout le monde.
SupprimerLe fou de BD que je suis note cet album pour un achat prévu....ton billet est superbe...merci...
RépondreSupprimeroh moi aussi, je crois que je deviens de plus en plus fan de BD !
SupprimerEt dire qu'en sortie de l'adolescence, je m'étais arrêtée à mes Yoko Tsuno... la BD, ce n'est pas que Spirou et Tintin et je ne m'en aperçois que maintenant !