lundi 7 mars 2016

"Et devant moi, le monde", l'autobiographie de Joyce Maynard


J'ai acheté cette autobiographie de Joyce Maynard il y a un moment déjà. Je voulais absolument l'avoir à portée de main car je savais que je la lirais un jour ou l'autre.
J'avais déjà lu avec beaucoup de plaisir la Joyce Maynard romancière et découvrir la vie de cette auteure que j'ai appréciée à chaque livre m'intéressait au plus au point.
Intérêt titillé également quand j'ai vu qu'elle a vécu dans sa jeunesse une histoire d'amour avec l'écrivain Salinger, ce que je ne savais pas avant d'avoir eu vent de cette autobiographie. Vent qui s'est rappelé à mon bon souvenir quand j'ai lu Oona & Salinger de Beigbeder, dans lequel ce dernier évoque avoir lu ladite autobiographie.

Adolescente dans les années 60s, aux États-Unis, Joyce vit dans le New Hampshire avec sa grande sœur et ses parents. Ils ne roulent pas sur l'or mais les deux petites grandissent dans un milieu cultivé. Le père, petit professeur d'université en littérature anglaise, souffre secrètement de ne pouvoir s'épanouir dans sa passion, la peinture. La mère, principalement femme au foyer, aurait aimé enseigner à l'université elle aussi mais pas évident à l'époque pour une femme de se faire une place dans un monde réservé aux hommes. Elle rédige des chroniques sociétales/familiales de temps à autre pour divers magazines. Les deux petites sont poussées dès leur plus jeune âge à l'écriture.
L'enfance est heureuse, bien que pèse sur la famille l'alcoolisme du père, dont on évite bien de parler.
Joyce rêve d'émancipation, de célébrité, d'être connue. Elle aime chanter, jouer dans des pièces de théâtre, écrire des histoires. En première année d'études à Yale, en 1972, à l'âge de 18 ans, elle se fait remarquer quand le New York Times publie un article "générationnel" qu'elle a écrit, "Une fille de dix-huit ans se retourne sur sa vie".
Elle reçoit alors des centaines de lettres de lecteurs, parmi lesquelles, une venant de Jerry Salinger, le célébrissime auteur de L'attrape-cœurs.
C'est le début d'une correspondance de plusieurs semaines, qui débouche ensuite sur des coups de téléphone quotidiens puis, sur une rencontre. Joyce finit par tout plaquer pour aller vivre chez Salinger, à Cornish. Elle a 18 ans, lui 53. Elle est amoureuse, pour la première fois, et peu importe tout ce qui ne va pas dans cette relation, elle subit l'ascendant de cet homme et est persuadée d'avoir trouvé son âme-sœur.
Au quotidien, la vie se révèle vite difficile. Salinger est un solitaire qui vit un peu comme un ours dans sa campagne. Il a une façon bien particulière de se nourrir (spartiate, bannissant beaucoup d'aliments) et Joyce souffre d'anorexie. Ça ne l'aide pas à s'en sortir. Il la "contamine" avec sa vision très cynique sur le monde, notamment celui de l'édition, la poussant à s'enfermer sur elle-même.
La femme écrivain réalise tout cela, avec les années de recul, mais au moment où elle le vit, la toute jeune femme croit à fond à cette histoire. Elle pensait même avoir un enfant avec lui. 
La pauvre Joyce était vierge quand elle a rencontré Salinger mais ce grand amour qu'elle pense avoir trouvé ne lui apportera aucune révélation sensuelle. Pire. Le bonhomme n'arrivera jamais à la pénétrer car elle souffre de vaginisme à son contact. Et manifestement, il ne cherchera jamais à solutionner le problème d'une autre manière que par l'administration de remèdes homéopathiques (sa marotte). Bref, le grand écrivain n'apparaît pas ici sous les traits d'un grand amoureux attentionné et tendre, c'est le moins que l'on puisse dire.
Pour autant, c'est écrit sans rancune et avec beaucoup de pudeur.
Quand bien des années après elle découvre qu'elle n'a pas été la seule jeune fille avec qui l'homme a entretenu une correspondance ambigüe, et qu'elle n'a sans doute pas été la seule jeune fille ou jeune femme à avoir résidé chez lui, à aucun moment elle ne le salit.
Environ un an après le début de leur histoire, Jerry, se rendant compte certainement qu'il n'arrivera jamais à formater Joyce comme il le souhaiterait, la congédie en mettant fin à leur relation du jour au lendemain.
La dévastation.

Quand survient cet épisode, le lecteur en est à la moitié du livre.
Cette autobiographie n'est donc pas centrée sur la relation entre la jeune fille et l'homme d'âge mûr et il serait très malhonnête de résumer la vie de Joyce Maynard à cette histoire d'amour fulgurante.
Malhonnête aussi de vouloir prêter à l'auteure la volonté de faire le buzz quand elle a sorti ce livre en 1998, dans lequel figure une sorte de biographie non autorisée.
Elle est discrète sur les sentiments de Salinger, tout comme elle l'est aussi sur les siens. Joyce Maynard parle de cette relation, et d'elle-même, de manière journalistique (on n'est pas dans un roman).

Joyce Maynard écrit ensuite sur ce qu'a été sa vie après la rupture avec Salinger, et ça n'en est pas moins intéressant. Cette jeune fille, puis jeune femme et enfin femme a fondé une famille assez jeune et a eu une vie riche. Elle n'a quasiment jamais cessé d'écrire des chroniques pour divers journaux et magazines depuis l'âge de 18 ans. Elle a fait bouillir la marmite grâce à sa plume.
Un talent indiscutable.
Salinger est peu présent dans cette seconde partie, si ce n'est quand l'auteure évoque de temps en temps son secret désir qu'il la recontacte, pour la féliciter pour ses publications (on peut toujours rêver...).
Elle mettra 20 ans à tirer un trait définitif sur cette histoire, quand elle trouvera enfin le bon moment pour exorciser tout cela sur le papier et qu'elle aura le courage de retourner voir l'homme, devenu vieux, une dernière fois. "À quoi t'ai-je servi dans ta vie ?". C'est la question qu'elle lui pose. Elle n'obtiendra pas de réponse.
Dans cette partie concernant toute sa vie "d'après Salinger", elle évoque aussi régulièrement ses relations avec ses parents (l'alcoolisme de son père, toutes les frustrations de sa mère, etc.) et nous rend compte de leur vie, tout au long de la sienne, durant les 3 décennies couvertes par le livre.

Oui, une jeune personne peut être marquée pendant de longues années par un premier amour qu'elle a idéalisé, surtout quand on se retrouve seule avec des questions sans réponse, mais non, cela n'empêche pas d'avancer pour autant dans la vie et de trouver sa voie.
C'est cela que Joyce Maynard nous raconte, même si elle ne livre pas tout... (j'ai découvert cela... clic clic)

Son seul talent n'est pas d'avoir été la jeune amante de Salinger. J'étais déjà conquise par la romancière avant de connaître la partie people de sa vie.



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2 commentaires:

  1. Ho la la tu me donnes vraiment envie de le lire, j'aime tant cette auteure!
    merci !!

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  2. Très chouette chronique de lecture, qui me donne envie à moi aussi ... j'ai lu "L'homme de la montagne" de Joyce Maynard, roman que j'ai apprécié, tout en le trouvant finalement assez "facile "et un peu cliché.... mais là tu me donnes envie de me plonger dans ce bouquin ... merci à toi

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