lundi 10 octobre 2011

Lire est le propre de l'homme




Extrait de la quatrième de couverture :
"L'école des loisirs est heureuse de vous offrir ce petit livre qui rassemble des propos et des dessins inédits d'une cinquantaine de ses auteurs.
Destiné aux professionnels du livre, aux éducateurs, aux enseignants et aux parents, il est évidemment dédié aux enfants."

L'école des loisirs, éditeur jeunesse, a proposé à une "cinquantaine de ses auteurs, de textes ou bien d'images, parfois des deux, [...] de nous éclairer, chacun à sa manière, sur la motivation profonde de leur création en direction de l'enfance et de la jeunesse."






Parmi tous ces petits écrits, j'ai préféré le texte de Marie Desplechin qui colle assez bien avec l'idée que je pourrais me faire de la lecture, si j'avais intention de me pencher sur ce vaste sujet.
Je me permets de vous en retranscrire une bonne partie, sans aucun complexe, puisque le petit opus Lire est le propre de l'homme est hors commerce et disponible gratuitement, sur demande, ICI (pas de frais de port non plus).
Belle initiative n'est-ce pas ?

"Je n'ai pas beaucoup d'affection pour les lecteurs en général, les grands lecteurs surtout. Je n'aime pas leurs manières péremptoires, leurs certitudes d'être au-dessus du commun, ces phrases satisfaites qu'ils ont pour parler d'eux-mêmes et de leurs inoubliables lectures, quand ils étaient tout petits déjà et qu'ils lisaient Chateaubriand et Flaubert, et tout ce qu'ils ont lu depuis, le crayon à la main, et toutes ces études formidables qu'ils ont faites par la suite et grâce auxquelles ils sont devenus des personnes si intéressantes et avisées, et puissantes. Oh mon Dieu. Je n'aime pas les lecteurs qui se situent du côté du manche, ceux qui font la police dans les bibliothèques, les intellectuels de gouvernement, les dispensateurs nationaux du sens, les généraux tortionnaires. Je ne peux pas croire qu'ils aient été des lecteurs dans leur enfance, ils ont dû oublier, et encore, cette enfance, ils ne l'ont pas habitée très longtemps.
Mais je me sens proche de ceux qui se sont perdus dans la lecture comme dans une forêt hantée. Ils ont emprunté des chemins qui ne menaient nulle part. Ils ont ouvert leur sentier tout seuls, avec un Opinel, au risque de mauvaises rencontres, au risque de se faire peur ou de se faire mal, au risque même de tourner en rond. [...] Ceux-là, quand ils parlent de leurs lectures, ont une manière singulière de le faire : les mots qu'ils utilisent sont les leurs, et ils se fichent bien que tout le monde lise qui ils lisent, que tout le monde aime qui ils aiment, ils veulent bien être tout seuls, ils ont même quelque chose d'un peu jaloux.[...]
Je crois que je n'aime pas beaucoup que la lecture soit cette Vertu publique dont on peut tirer la gloriole et des profits orthographiques ou sociaux, ni ce mausolée muet dans lequel on précipite de force et comme au hasard des collégiens rétifs et qui n'y comprennent rien. Je crois que je voudrais toujours qu'elle soit un vice privé, un chemin de traverse, une échappée belle et que chacun lise pour soi, contre le monde. Je crois même que nous devrions avoir l'ambition politique d'inviter autour de nous au repli, au retrait du monde, à la désobéissance aux canons, à la solitude et à l'égoïsme enfantin de la lecture. Il me semble que rien ne prépare mieux à tenir tête (à la meute, à la peur, à l'autorité, à l'existence même) que l'expérience solitaire de la liberté, et,  franchement, quel meilleur champ d'exercice, plus vaste, plus divers, plus sauvage, plus scandaleusement personnel, que la lecture ?"


Après avoir lu cela, vous comprendrez également que je me sois entièrement reconnue dans le texte de Florence Seyvos, qui a fait revivre en moi les sensations que je ressentais enfant, incapable de passer un jour sans lire. Les livres étaient sans conteste mes meilleurs amis.

En voici un extrait :
"[...] Je savais qu'un livre est le seul remède à la solitude.
J'avais commencé, moi aussi, à vivre deux vies parallèles. La vie normale et la vie dans les livres. la vie normale était... normale, et incroyablement solitaire, même avec des parents, des frères, l'école, quelques camarades. Jamais, adulte, même en des instants de grand désarroi, je n'ai retrouvé cette sorte de solitude si particulière de l'enfance. Je me souviens de toutes ces pensées dans ma tête, que je gardais pour moi parce que je ne savais pas les dire, ou parce que je craignais qu'on ne les trouve trop étranges. Et je me souviens de l'étirement infini du temps. J'attendais presque tout le temps quelque chose. Que mes parents se réveillent. Que la journée d'école finisse. J'attendais le mercredi, et quand le mercredi était passé, j'attendais le samedi. [...]
Quand je lisais, je n'attendais plus. Ou alors c'était une toute autre sorte d'attente. J'attendais de voir ce qu'allait dire Mme McMiche quand elle découvrirait les têtes démoniaques dessinées sur les fesses du bon petit diable. J'attendais, en retenant mes larmes, de savoir si Rémi, le héros de,  Sans famille, allait retrouver sa mère. La vie dans les livres me paraissait plus vraie. Plus dense aussi, plus sûre, mieux écrite. Et il me suffisait de lire une seule phrase de n'importe quel livre pour que mon sentiment de solitude s'évanouisse. Pulvérisé."



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