Oups, désolée pour le gros mot, mais ça vient vraiment du cœur !
Pardonnez-moi ce titre racoleur et facile mais, pour que je sois enthousiasmée à ce point par un roman policier, il faut vraiment se lever de bonne heure. D'où mon besoin de crier haut et fort à quel point c'est bien !
À la fois roman dénonciateur d'un monde de l'entreprise où le rendement exigé écrase les hommes, cette fiction, qui a des relents d'actualité, est aussi un excellent polar, noir, très noir, qui tient littéralement le lecteur en haleine du début jusqu'à la fin.
C'est Carole Matthieu, médecin du travail dans une entreprise de télécommunication, qui raconte.
Quand elle commence son récit, on apprend qu'elle vient de tuer un de ses patients, un des téléconseillers de la plateforme de Valence. Vincent Fournier, un homme qui était au bout du rouleau, nerveusement et physiquement, subissant depuis des mois et des mois des pressions de la part de ses supérieurs hiérarchiques, demandant toujours plus de rentabilité. Il avait déjà tenté de mettre lui-même fin à sa vie. Carole, qui prend son travail très à cœur (c'est le moins que l'on puisse dire !), même si elle dit qu'elle ne fait "que sont travail", a choisi de l'aider à en finir avec cet enfer, de le soulager du fardeau qu'il portait depuis trop longtemps.
Ne cherchant pas à fuir les conséquences de son geste, elle veut juste gagner du temps pour faire le tri dans ses dossiers médicaux afin de rassembler toutes les preuves nécessaires à prouver la responsabilité de l'entreprise dans le mal-être mental des employés. Dans l'entreprise, avant son geste meurtrier, déjà un suicide, trois tentatives, une agression physique contre une responsable, ça commence à faire beaucoup.
Extrait p. 54 : "Le suicide n'est pas reconnu comme maladie professionnelle. À choisir, il est encore préférable de mourir d'un cancer des poumons par une trop forte exposition à l'amiante plutôt que de mettre fin à ses jours, poussé à bout par des conditions de travail intolérables."
Extrait p. 222 : "[...] la direction départementale, la Sécurité sociale, l'inspection du travail et le conseil supérieur sont dépassés par la complexité du phénomène et pensent qu'il s'agit de cas isolés. La hiérarchie, elle, ne s'en inquiète pas parce qu'elle les lit comme des conséquences de problèmes personnels. Elle pense : Le suicide est une affaire privée et n'a rien à voir avec l'entreprise qui, elle, ne gère ni émotion ni troubles psychiques, mais des chiffres et des objectifs à atteindre."
Elle se sent investie de cette mission et est persuadée qu'elle seule peut la mener à bien car elle est la seule à connaître tous les employés, dans leurs moindres faiblesses, leurs moindres maux. Celle à qui ils se sont confiés dans son cabinet. La seule qui a toutes les pièces du puzzle entre les mains. À elle de le reconstituer pour pouvoir prouver la faute de l'employeur.