Trois soldats allemands, dont le narrateur, en garnison en Pologne, ne supportent plus de participer à une énième fusillade de Juifs. Ils préfèrent fuir le camp pour une journée en choisissant de partir à la chasse à l'homme, un "moindre mal", un peu moins insupportable pour eux. Ils partent le ventre vide, dans le froid et la neige. Ils doivent en ramener au moins un vivant.
Alors qu'ils sont surtout préoccupés par les pensées et souvenirs vagabonds qui les assaillent à l'occasion de cette journée de "répit", ils en trouvent "un", presque par hasard, terré dans un trou. Sur le chemin du retour, ils s'arrêtent dans un maison abandonnée, bien décidés à se faire une petite soupe réconfortante avant de rentrer au camp.
À l'intérieur de la maison, presque rien, à part une cuisinière, une table, des chaises, un banc et une étagère en bois, qu'il faudra brûler tour à tour afin d'alimenter le feu nourricier.
Un Polonais sournois et antisémite va s'inviter à leur table et un drôle de repas va finalement se tenir dans cette pièce sombre, "le repas le plus étrange que nous fîmes en Pologne" (p. 123).
Le questionnement est simple : peut-on inviter le prisonnier à la table, et nouer avec lui un semblant de lien qui ressemble à la vie, puis le livrer ensuite à la mort, comme si de rien n'était, au risque de perdre à jamais son humanité et d'être hanté par cet acte pendant des années (ils le sont déjà bien assez) ?
Le dilemme est d'autant plus dur pour l'un des trois soldats, Emmerich, qui est père et qui se torture continuellement l'esprit pour son fils. Il a peur que ce dernier se mette à fumer, une crainte qui semble tellement dérisoire au regard de la situation "historique". Mais une crainte qui cache une peur bien plus profonde : celle de ne jamais revoir les siens, celle de devoir payer un jour pour tout ça et de ne jamais rentrer chez soi.
J'ai bien aimé, oui, parce que j'affectionne tout particulièrement les huis clos, et que ce repas et toute la préparation qui le précède en est un, et parce que le sujet de la Seconde guerre mondiale et de la Shoah m'intéressent. Cependant, il m'a manqué le truc pour me transporter.
Trop court (137 pages) ? Trop minimaliste ? Les phrases sont simples, réduites souvent au simple "sujet, verbe, complément". Peut-être un peu trop universel aussi. Certains diront que c'est justement ce qui fait la force de l'histoire et qui fait que ce livre touchera un grand nombre de lecteurs, notamment les plus jeunes.
Un livre que je ne serai pas étonnée de voir un jour adapté au théâtre, tout comme le très en vogue Inconnu à cette adresse auquel ce livre m'a fait penser.
Hubert Mingarelli, l'auteur, n'en est pas à son premier roman. Il a notamment reçu le Prix Medicis en 2003 pour Quatre soldats, un livre dont le sujet me semble étonnamment proche de celui-ci.
Un livre que j'ai eu envie de lire en allant chez Jacky (clic).
On a eu la même lecture...le même ressenti...tu l'exprimes très justement..(comme toujours)...un livre qui laisse son empreinte d'ailleurs...un livre que je relirai peut-être plus tard...
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