Fun Home est une autobiographie en bande-dessinée que j'ai découverte grâce aux chroniques BD de Pénélope (clic).
N'ayant pas la patience d'attendre sa réédition en français (pour dans quelques mois paraît-il), je l'ai donc lue dans sa version originale en anglais.
Même pas peur !
Je vous rassure, lire une BD en anglais n'a rien d'insurmontable, les dessins aidant pas mal à la compréhension.
Alison Bechdel est une dessinatrice américaine, née en 1960, en Pennsylvanie.
Elle a toujours été un garçon manqué mais c'est à l'université qu'elle met enfin un mot sur ce qu'elle est vraiment, émotionnellement et sexuellement parlant.
Elle commence alors à dessiner des histoires mettant en scène des personnages lesbiens. C'est le début d'une longue série de comics, les Dykes to Watch Out For, publiés de 1983 à 2008, traçant le portrait et l'évolution de la communauté lesbienne aux États-Unis.
Fun Home est une BD autobiographique, retraçant plus précisément sa relation avec son père, un gay refoulé, décédé subitement en 1980, écrasé par un camion.
Alison venait juste d'avouer quelques temps auparavant sa propre homosexualité à ses parents et de découvrir celle de son père dans la foulée.
Pas banale la situation !
Pas banale la situation !
Fun Home est peut-être un jeu de mot mais ne vous trompez pas, on n'y parle pas d'une maison rigolote. C'est la contraction de "Funeral Home".
Le père d'Alison a en effet repris la direction de la maison funéraire tenue par son propre père.
Ce travail ne suffisant pas à nourrir la famille, Bruce Bechdel, grand passionné de littérature, était également professeur d'anglais au lycée du coin.
Le sous-titre en anglais, a family tragicomic, est traduit dans la version française par "une tragicomédie familiale" mais personnellement, j'ai plus pris le "comic" dans le sens de "bande-dessinée" que dans celui de la comédie.
En effet, même si le récit n'est pas dénué de drôlerie, le constat que dresse Alison Bechdel de ses relations avec son père, et sa mère dans une moindre mesure, prête plutôt à réfléchir qu'à s'esclaffer.
C'est tragique puisqu'il y a cette mort brutale, inattendue du père, à un moment où les langues commençaient à se délier.
C'est tragique aussi dans le sens où on ressort de cette lecture avec l'impression que les parents d'Alison ont eu ensemble une vie de résignation.
L'un n'ayant jamais osé faire son "coming-out", à une époque où l'homosexualité était encore bien culpabilisante et, qui plus est, vivant et travaillant dans une petite de province.
L'autre, entièrement dévouée aux apparences de sa vie de famille parfaite.
Pour oublier leurs rêves d'antan, l'un s'est jeté à corps perdu dans la restauration d'anciennes maisons et le jardinage, l'autre dans le théâtre.
C'est un très beau récit familial que nous offre là Alison Bechdel.
Oui, on peut parler de récit car tout autant que les dessins, le texte est très présent et tient une place très importante dans cette longue confession.
C'est une véritable enquête dans la mémoire de la vie de famille qu'elle a entrepris.
Un formidable travail. Wahou !
L'auteur s'appuie sur ses propres souvenirs, des photos de famille mais aussi son journal intime qu'elle a commencé à tenir à l'âge de 10 ans. Une mine d'or qui lui a permis de dater précisément certains évènements et de les replacer ainsi judicieusement dans la chronologie familiale.
La BD est découpée en 7 chapitres de tailles à peu près égales, qui nous relatent les souvenirs d'Alison et ceux qu'elle a pu reconstituer sur les jeunes années du couple parental.
À la lueur de l'homosexualité nouvellement découverte de son père, elle analyse certains comportements, certains faits qui lui semblent maintenant révélateurs mais dont elle n'avait pas conscience sur le coup.
En même temps, elle s'interroge aussi sur sa propre sexualité.
Elle nous présente un portrait paternel sans concession.
Un homme froid, pas du tout affectueux, préoccupé essentiellement par sa passion, la restauration et la décoration des vieilles demeures, extérieures comme intérieures, dont la demeure familiale, de style victorien. Celle-ci tiendrait presque du musée et les camarades d'école d'Alison parlent même d'un "manoir".
Bruce Bechdel ne semble voir l'intérêt d'avoir des enfants qu'à titre de main-d'œuvre pour l'aider dans ses travaux, ou bien en tant que faire-valoir pour donner un caractère authentique à ses "créations".
Charmant le papa !
Une figure imposante mais un père absent, bien avant qu'il ne s'absente physiquement et pour toujours nous dit l'auteur.
Clairement pas un bon père.
Bruce Bechdel ne semble voir l'intérêt d'avoir des enfants qu'à titre de main-d'œuvre pour l'aider dans ses travaux, ou bien en tant que faire-valoir pour donner un caractère authentique à ses "créations".
Charmant le papa !
Une figure imposante mais un père absent, bien avant qu'il ne s'absente physiquement et pour toujours nous dit l'auteur.
Clairement pas un bon père.
Et un père qui lui semblait terriblement précieux et coquet en face d'elle, qui ne supportait pas les robes, les barrettes dans les cheveux et les colliers que celui-ci aurait aimé la voir porter.
Un rapprochement entre Alison et son père s'est tout de même opéré quand celle-ci a atterri dans sa classe d'anglais et a commencé à s'intéresser sérieusement à la littérature.
C'est grâce aux livres qu'une amorce de dialogue a pu s'opérer entre les deux, dialogue trop tôt avorté par cette mort accidentelle.
Dans la maison familiale, il y avait d'ailleurs une pièce bibliothèque qui faisait la fierté du père.
Le récit est aussi bourré de références littéraires (Camus, Scot Fitzgerald, Henry James, Proust, Oscar Wilde, Colette), de citations, de comparaison entre les vies des auteurs, celles de leurs personnages et la propre vie des parents d'Alison.
Sur ce point, mes limites en anglais et en littérature se sont faites ressentir et même aidée d'un bon traducteur en ligne, j'avoue n'avoir pas toujours tout saisi mais peu importe.
J'étais prise dès le départ dans l'histoire de cette fille et bien consciente que j'avais entre les mains un petit monument de la bande-dessinée, au même titre que Persepolis ou Maus (dixit quelqu'un dans le Austin American-Statesman).
J'étais prise dès le départ dans l'histoire de cette fille et bien consciente que j'avais entre les mains un petit monument de la bande-dessinée, au même titre que Persepolis ou Maus (dixit quelqu'un dans le Austin American-Statesman).
Un livre à lire, en anglais (pour les plus fous) ou en français (faudra patienter), sans avoir plus d'arguments à donner, comme le dit si bien Pénélope dans sa chronique !
Hello !
RépondreSupprimerCela ne fait que 2 ans environ que je me suis mise à lire des romans graphiques à la pelle, et il y en a pas mal dont, finalement, je ne me souviens pas tant que ça. Mais celui-ci, il m'avait pas mal interpellé.
Merci pour cet article.